Une idée farfelue

 

Dans un de mes cours, nous parlions de la crĂ©ation de la mĂ©moire. Ce dont elle est faite, ce qui la compose. On en conclut que les sensations Ă©taient Ă  l'origine de sa formation. Je ne sais pourquoi, mais une idĂ©e m'est venue. Une question sĂ»rement exagĂ©rĂ©e : existe-t-il des personnes nĂ©es sans mĂ©moire, vivant uniquement par les sensations ? Oubliant, alors, chaque moment, Ă©tant donnĂ© qu'elles ne peuvent pas crĂ©er de souvenirs. 

Par des recherches sur Internet, j'ai vu qu'il existait un trouble, dĂ» Ă  des traumatismes, une malformation ou encore un dĂ©rĂšglement neurologique : l'amnĂ©sie antĂ©rograde. Des gens vivant dans un prĂ©sent perpĂ©tuel, sans possibilitĂ© d'associer une Ă©motion Ă  quelque chose, mais conservant leur vocabulaire et leur langage. Peut-ĂȘtre que c'est osĂ©, mais cette idĂ©e me tente Ă©normĂ©ment. L'idĂ©e d'Ă©crire l'histoire d'un jeune homme, possĂ©dant cette maladie qui, par l'amour, dĂ©couvrira et crĂ©era sa propre mĂ©moire. 

Ainsi, j'ai imaginĂ© une rencontre. Sans vous en dire plus, voilĂ  l'extrait que je vous partage aujourd'hui : 

Avec la brise du vent, je tente de me concentrer sur ce qu'il fait. Un livre, Martin Eden. Ses yeux, plongĂ©s dans sa lecture, me provoquent quelque chose. Une sorte d'admiration devant sa concentration, la profondeur de son regard ancrĂ© dans un innombrable tas de mots. Les nuages ont beau assombrir son visage, j'y perçois une nouveautĂ©. Un truc qui rend mon cƓur sceptique.

Soudain, subjuguĂ©, je marche sur une branche, Ă©vinçant son attention. Je me gratte la nuque, voyant ses yeux se poser sur moi. D'un air... DiffĂ©rent. Tendre ? Je ne sais mĂȘme pas ce qu'il signifie ce mot. Je ne sais pas comment comprendre ce qui le traverse, maintenant. Puis, un sourire Ă©tire ses lĂšvres. Un... Magnifique sourire. Oui, confectionnĂ© Ă  la perfection, rempli de dents symĂ©triques. Des dents blanches, comme une neige fraĂźchement tombĂ©e. Cachant une intention particuliĂšre... Mais quoi ? Puis, sa voix rĂ©sonne alors : 

—  Bonjour, dit-il en fermant son livre.

Je dĂ©glutis, ne sachant pas trop quoi rĂ©pondre. C'est comme une mĂ©lodie qui percute ma poitrine de plein fouet. Un chant merveilleux qui bouscule mes sens, mes pensĂ©es Ă©phĂ©mĂšres. J'acquiesce et me triture les doigts, tentant de garder le plus longtemps possible cette voix en moi. Si douce et si lĂ©gĂšre qu'elle me force Ă  m'y accrocher. 

—  Tu veux t'asseoir ? Demande-t-il, en tapotant ses doigts sur le bois du banc.

Je hoche la tĂȘte, profitant que mon cerveau reste intact. Juste un instant. Je m'installe Ă  ses cĂŽtĂ©s et dandine mes pieds. Je ne sais pas pourquoi, mais j'aime bien ça. Mon regard se penche sur le livre qu'il tient entre ses mains, je n'en connais pas le contenu et le nom ne me dit rien. Martin Eden, quel prĂ©nom... Atypique ? 

Mes yeux persistant sur la couverture lui provoquent un rire. Une lumiĂšre s'immisce en moi. Quelque chose d'envoutant, de nouveau. Quelque chose que je ne veux pas effacer, oublier parmi les mĂ©andres alĂ©as de mon psychisme.  


Qu'en pensez-vous ? 

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